No em parlis pas de... diu Stéphane Breton

Un munt de raons per anar de viatge!

"Qu'on ne me parle pas de l'enfance. Qu'on ne me parle pas du pays chéri de l'enfance.

Qu'on ne me parle pas de ces appartements sinistres, de ces couloirs qui n'en finissaient pas, de ces lieux où nous avons toujours été tenus enfermés, de ces salles de classe puant la viande mal réveillée ; qu'on ne me parle pas de ces chemins de campagne où l'on nous tirait par la main et qui dégueulaient leur boue sous nos pas comme un égout ; qu'on ne me parle parle pas de ces ciels trop lourds, de ces horizons qui remontaient de notre gorge ; qu'on ne me parle pas de l'air pur, dont nous aurions eu besoin, quand ce n'était que de haine.

Qu'on ne me dise pas qu'il y a des paysages charmants dans lesquels nous aurions joué, des lieux qui n'évoqueraient pas la honte, le dégoût, la solitude, les rages sans objet de notre enfance, quand nous n'avions guère que la merde au cul pour tout dire, et le désir de fuir encore.

Qu'on ne me dise pas que nous avons été hereux, alors qu'il ne cessait de pleuvoir, que j'en ai la peinture grise qui coule encore dans les veines, et que nous n'avons fait que traîner les peds, tout en rang, du début à la fin.

Qu'on ne me dise pas que nous sommes bien chez nous, que nous y resterons."

Les fleuves immobiles, Voyage en pays papou. Stéphane Breton. Calmann-Lévy. p.11