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diumenge, 5 de març del 2023

L'arribada a Venècia, segons Henri de Régnier


Quan rellegim un llibre retrobem textos que en una primera lectura ens han passat desapercebuts i que ara ens criden l'atenció per un o altre motiu. L'arribada a Venècia és un bon motiu literari; gairebé una bona excusa. Aquí l'arribada en tren d'Henri de Régnier.


Les yeux fermés, j'écoute, au roulement du train, résonner à mes oreilles les deux syllabes entendues tout à l'heure, au dernier arrêt. Elles m'avertissent qu'approche l'instant si longtemps désiré. Que de voyageurs les ont entendues, ces syllabes annonciatrices! Elles devancent un nom qui porte en lui tant de magies! Il me semble qu'elles n'ont dû jamais émouvoir personne au point où elles me troublent, tandis que je me les répète moins pour en savourer le pronostic que pour me retenir d'en proférer tout haut d'autres dont l'haro monieuse sonorité est sur mes lèvres. Je le pourrais cependant sans trop attirer l'attention, dans ce wagon nocturne où je suis enfermé depuis de longues heures et dont les vitres matinales ou crépusculaires se sont tour à tour éclairées et assombries, où, les yeux fermés, je me laisse engourdir par le bruit monotone des essieux.

Comme il va lentement, ce train! Pour me distraire de mon impatience et de mon attente, je pourrais regarder par }a portière, car un beau clair de lune inonde'la campagne silencieuse, mais je ne veux rien voir qui m'éloigne de la pensée qui m'occupe, pas même consulter ma montre qui me dira l'heure tardive de l'arrivée. Je reste assis sur la banquette, immobile, heureux. Je respire l'odeur du wagon, cette odeur de drap, de cuir, de charbon à laquelle se mêle depuis un moment une odeur nouvelle, particulière et que je ne connais pas. Il semble que l'air se soit comme distendu pour se laisser pénétrer d'une sorte de langueur humide, molle, qui sent l'herbe et l'eau, la prairie et le fossé, le jonc et la terre, et qui, tout engourdissante qu'elle soit, a réveillé les voyageurs somnolents. Quelques-uns sont debout dans le couloir. Un employé passe, portant une valise. Une vieille Anglaise, son Béedecker sous le bras, se tient, le nez collé à la vitre, puis l'abaisse. La singulière odeur se fait plus perceptible. Le sifflet de la locomotive déchire la nuit. Peu à peu le train se ralentit, puis s'arrête le long d'un quai. Des portières s'ouvrent. Des porteurs courent sur le trottoir sous la lumière crue des globes électriques. La semelle au marchepied, je descends en face d'une pancarte où sont inscrites les lettres de ce nom magique: Venezia!


L'Altana ou la vie vénitienne (1899-1924), 2 vol. (1928), d'Henri de Régnier. Texte en ligne 1 2 p.16

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